Plus tard, en 1984, il travaille avec Jean-Paul Gaultier jusqu'au lancement de sa propre marque en 1988.

Martin Margiela est l'un des designers les plus secrets du monde de la mode. Il ne se laisse jamais photographier et ne donne aucune interview directement. Il répond aux questions posées par fax. Il ne s'exprime jamais en son nom propre mais toujours au nom du collectif que constitue son entreprise.
Considéré comme l'un des créateurs les plus atypiques et les plus avant-gardistes de sa génération, il fonde en 1988, avec Jenny Meirens, sa propre marque la Maison Martin Margiela. Il est reconnu très vite par les rédactrices de mode, Melka Treanton du magazine Elle entre autres. En 1989, il est laureat de l'ANDAM.

Sa mode entre au musée dès 1991. Le palais Galliera (Paris) présente alors son univers avec ceux de ses aînés Jean-Paul Gaultier, Jean-Charles de Castelbajac et de l'espagnole Sybilla. En 1997, un musée de Rotterdam, le musée Boijmanns Van Beuningen, lui offre l'opportunité de réaliser une exposition par lui-même. Il y présente une rétrospective de ses vêtements les plus caractéristiques après les avoir soumis à un bain de diverses bactéries, et en les exposant à l'extérieur dans les jardins du musée. Leur aspect de ce fait était différent chaque jour pour tous les visiteurs. Des effluves de patchouli faisait de cette exposition une expérience multisensorielle. En 2008, c'est au tour du musée d' Anvers de célébrer à travers une retrospective plus classique les 20 ans de création de la Maison Martin Margiela.

Les blancs, les noirs, et toutes sortes de couleurs en demi-teintes improbables comme issues d'un vieillissement, ou vraisemblablement pures, sont la palette qu'il travaille et renouvelle à chaque saison.
Il crée aussi depuis le début des pièces uniques totalement artisanale, avec des objets ou des vêtements récupérés : une robe de soirée avec deux robes anciennes, un manteau de guirlandes de noël, un boléro avec des chapeaux..
Le vêtement tel que le conçoit Martin Margiela est toujours une recomposition. Il exhibe sa construction, ou l'histoire de celle-ci. Il peut n'être que la toile d'un vêtement en gestation, apparemment inachevé, volontairement inachevé. Il peut aussi jouer des échelles comme l'a fait la collection des vêtements de poupée agrandis. Chaque saison des "réplicas" sont proposés, ce sont des vêtements chinés dans le monde entier, explicitement et intégralement reproduits à identique, et vendus comme tels.

Pendant 8 saisons, jusqu'en 2004, Martin Margiela fut le styliste de la maison Hermès. Sous sa direction le prêt-à-porter a connu une croissance remarquable, de plus de 20 % certaines années. Composant les codes Hermès avec les siens, il proposa des vêtements intemporels dans les matières les plus nobles pour une femme libre, sans âge, dont Jane Birkin est l'une d'elle. Cette collaboration, surprenante de premier abord, reposait, expliqua Jean-Louis Dumas, alors PDG de la maison Hermès, sur une passion commune pour l'excellence du travail artisanal.
L'influence du travail de Martin Margiela est incontestable. Il jouit de la reconnaissance de ses pairs, qui, à l'instar d'un Alexander McQueen n'hésitent pas à mentionner l'admiration qu'ils portent à son travail.
Ses défilés ont souvent été hors normes et se voulaient loin du carcan conformiste et commercial des autres créateurs. Il privilégiait entre autres les lieux atypiques tels qu'un terrain vague de Paris, une station de métro (1992), ou en éclatant le lieu du défilé en plusieurs lieux. Plusieurs fois, il n'a pas défilé, se contentant de montrer un film. Il refusait aussi le star système du mannequinat, caractéristique des années 1990. Chez lui les mannequins défilaient quasi anonymes avec un voile ou autre chose cachant leur visage afin que l'attention se concentre sur les vêtements. Une seule fois il déroge à cette règle non écrite en embauchant pour les photos de la collection automne-hiver 1999, l'un des mannequins alors les plus demandés, Stella Tennant, mais elle était enceinte.

Lors de son premier défilé, il fit marcher ses mannequins dans de la peinture rouge pour laisser des traces tout au long du podium.
Jusqu'à son rachat en 2003 par le patron de Diesel, la Maison Martin Margiela fut longtemps une petite entreprise totalement indépendante des grands groupes financiers qui dominent l'univers de la mode. Le départ de Jenny Meirens, l'autre fondatrice de la Maison Margiela, la multiplication des lignes, commencée avec l'émergence d'une ligne masculine, ont pu provoquer une crise de croissance, et poussé le créateur à ce renoncement. Entre 1997 et 2003, l'entreprise est passée de 7 salariés en 1997 à plusieurs dizaines, a changé de lieu, et a multiplié les ouvertures de boutiques en nom propre dans toutes les grandes capitales. En entrant dans le groupe Diesel, la Maison Martin Margiela se donnait une stabilité, des possibilités financières nouvelles et se donnait (ou se faisait imposer ?) de nouveaux fabricants italiens pour son prêt-à-porter.
Elle a cessé en tous cas sa collaboration avec son fournisseur initial, Miss Deanna. Elle a trouvé aussi un nouveau siège de 3 000 m² installé dans une ancienne école du 11e arrondissement. La marque italienne, elle, a gagné en crédibilité créative. En décembre 2009, avec le départ officiel du créateur, préparé semble-t-il depuis plus d'une saison, une autre page de cette aventure entre artisanat et industrie est tournée. Bon vent monsieur Margiela.

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